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Parole de mentors
Sep 21, 2022

Levée de fonds : comment préparer son dossier investisseur ?

Nicolas Bailly
Ex-VC et co-fondateur de Ring Capital

Durant notre parcours d'accompagnement à la levée de fonds BeeMyDesk, nos entreprises sont accompagnées par Nicolas Bailly, co-fondateur du fond Ring Capital et de Raisers.

Après avoir passé 7 ans en tant que capital risqueur (seed, serie A/B et growth), Nicolas Bailly est désormais à la tête de Raisers, société de conseils en levée de fonds qu’il a lui-même fondée.

Vous participez au parcours « Levée de fonds » BeeMyDesk en tant qu'expert. Qu’en pensez-vous ? 

C’était, à mes yeux, un programme d’accélération pour les entreprises. J’utilise le mot « accélération » parce que cela permet aux porteurs de projet, en très peu de temps, de se faire accompagner par différents intervenants qui ont des backgrounds et missions différentes et par conséquent, d’accélérer leur vision, leur stratégie, et leur plan opérationnel sur les prochains mois. De plus, chacune des entreprises a pu bénéficier de retours et de feedbacks croisés, ce qui est d’autant plus intéressant avec la formation BeeMyDesk.

J’apprécie particulièrement dans ce programme le fait qu’il y ait des rendez-vous 1to1 puisque cela permet vraiment de rentrer dans les détails. Quant aux ateliers collectifs, c’est un autre point positif. Je pense que c’est important que les porteurs de projet puissent notamment assister aux pitchs en groupe. Cela permet à chacun de voir où en sont les autres, de noter les points forts et ce qu’il faut éviter de faire dans un pitch et de pouvoir s’imprégner des autres personnes. 

Enfin, la durée des rendez-vous en 1to1 est également pertinente et permet de travailler sur des points précis de sa levée. 

Quels sont les principaux indicateurs à mettre en avant dans un dossier investisseur ? 

Il faut essayer de répondre aux frameworks attendus par les investisseurs, c’est à dire, de mettre en avant les points qui permettent à un investisseur de se faire une opinion sur les dossiers, à savoir : 

  • Quelle est la proposition de valeur ?
  • Quels sont les éléments différenciateurs par rapport à la concurrence ?
  • Quels sont les chiffres clés de l’entreprise à date, financiers ou d’usages ? 
  • Combien les porteurs de projet veulent-ils lever et pour quoi faire ?

Une fois ces différents éléments indiqués, il faut les mettre en avant de manière explicite dans un document.

Il y a, en plus de ces éléments communs, une partie spécifique en fonction du type d’entreprise : plus l’entreprise sera technique ou technologique, plus elle devra mettre en avant ces éléments technologiques. Si ce n’est pas le cas, il faut essayer de mettre en avant d’autres éléments qui la différencient et axer davantage le pitch deck sur la qualité d’exécution des fondateurs.

Prenons l’exemple du marché : un investisseur attend que l’entrepreneur ait travaillé son marché, sa chaîne de valeur et qu’il n’ait pas simplement mis en avant un chiffre marquant, sans réflexion. Un entrepreneur doit connaître son marché en ayant identifié les secteurs et Go to market sur lesquels il peut arriver à scaler ses ventes, en sachant que son marché adressable est généralement bien inférieur à la taille du marché global.

Passons maintenant à la concurrence : l’investisseur attend à la fois une présentation objective, une manière de se mettre en avant des concurrents ainsi qu’une analyse critique, qui va plus loin, par exemple, que le nombre d’employés et le montant levé par les concurrents. Il s’attend à des éléments plus concrets, travaillés, l’objet de recherches.

Abordons, pour finir, les chiffres historiques et futurs de l’entreprise. Il est important de mettre en avant les éléments de façon visuelle, à travers des graphiques, des camemberts, pour pouvoir, en un rapide coup d’œil, bien comprendre leur dynamique. C’est en effet bien plus simple de lire des chiffres à travers des graphiques qu’à travers un tableur Excel copier coller. 

Un dernier point sur les chiffres : c’est assez courant que les entreprises ne les mettent pas en avant à travers le P&L (compte de résultat). Or un investisseur reste un financier, il est donc important d’avoir un back up de ces éléments. Par ailleurs, je conseille souvent d’avoir quelques slides de côté pour étayer ses propos, pour détailler, par exemple, celles sur la concurrence, au cas où l’investisseur le demande, ce qui permet d’avoir toutes les informations sous la main, au bon moment.

Qu’est-ce qu’un investisseur souhaite voir dans un business plan ? Sur quels points a-t-il besoin d’être rassuré ?

Il a besoin de voir que le business plan est bien construit avec un certain nombre d’hypothèses, sans que ce soit une usine à gaz. Un investisseur va commencer par regarder si le business plan est bien élaboré. A partir du moment où c’est le cas, il regardera le chiffre d’affaires que l’entreprise est capable de générer à court et moyen terme, avec quelle marge / rentabilité, quand est-ce que le point-mort est atteint, et à quel point l’entreprise va devoir dépenser de l’argent (« cash burn »). Il y a parfois un décalage (BFR) entre le résultat d’exploitation et ce que l’entreprise dépense en cash au cours de l’année, autre élément qu’étudie l’investisseur.

Le sujet de la marge de l’entreprise, brute ou nette n’est jamais évident à appréhender selon les business car selon les secteurs, la définition est différent. En software, on peut mettre en avant les coûts de support, de service client alors que dans une entreprise de production, on va, par exemple, mettre en avant l’achat de matières premières. L’investisseur va regarder ces niveaux de marge et si l’entreprise a un modèle viable à court et moyen terme.

En général, l’investisseur va vouloir investir dans une entreprise capable de générer une croissance importante dans les prochaines années et il va regarder, à travers le business plan, à quel point l’entreprise est capable d’aller chercher de la croissance, de manière scalable.

Quand il rentre dans une entreprise, un investisseur a envie de multiplier par dix son investissement et estime qu’au moment où il rentre, il paye une valorisation de l’entreprise qui n’est pas réaliste par rapport à la taille de l’entreprise et/ou son chiffre d’affaires. Toutefois, il espère qu’à 4-5 ans l’entreprise multiplie par au moins 20 ses revenus, ce qui permet de multiplier au moins par 10 son investissement, si tenté qu’il ait établi une entreprise avec une valorisation deux fois plus chère que sa valeur réelle si elle avait fait un processus d’Exit sur le marché actuel.

Comment modélise-t-on différents scénarios ? 

  • Combien de scénarios prévoir ? 
  • Cela peut-il influencer la valorisation de l’entreprise et de quelle manière ? 
  • Y-a-t-il des mises en garde dans la définition de ces modèles ? 

Je conseille de ne pas faire trop de scénarios, sinon c’est trop compliqué à suivre.

Je recommande de faire un scénario de base et ensuite avoir 2 ou 3 hypothèses principales avec lesquelles jouer ; hypothèses qui changent le plus son modèle, par exemple, quel est le revenu moyen généré par un commercial par mois, quel est le niveau de churn de tel logiciel au bout d’un an. En somme, les hypothèses les plus importantes et les plus fondamentales qui peuvent faire augmenter ou baisser la croissance drastiquement.

On affirme souvent qu’une entreprise de taille mature a un business plan pour ses salariés, un business plan pour les entrepreneurs et un pour les investisseurs. Pourquoi 3 business plans ? Parce qu’il faut demander aux salariés de faire plus que la réalité pour être capable d’atteindre cette réalité. Parce que, vis-à-vis des investisseurs, c’est important d’essayer de faire le business plan que l’on met en avant et donc, on peut le discounter de son business plan personnel, qui peut être légèrement au-dessus.

Pour autant, il y a une vraie différence entre le business plan que l’on construit avec ses investisseurs une fois qu’ils sont actionnaires et le business plan établi au moment où l’on veut réaliser une levée de fonds, parce qu’à ce moment-là, on est très optimiste sur 3 à 5 ans, là où, avec l’investisseur, on se concentre essentiellement sur l’année prochaine avec plus de réalisme.

En général, un investisseur va essayer de valoriser l’entreprise à travers son potentiel mais également le trend actuel et le chiffre d’affaires sur l’année de l’opération. Ainsi, plus le modèle montre des chiffres ambitieux, plus l’investisseur sera capable de valoriser l’entreprise.

Pour finir sur ce point, deux mises en garde : ne pas avoir assez d’ambition ou, à l’inverse, demander, par exemple 3 millions d’euros pour finalement n’en burner qu’1 dans son modèle et créer un BP usine à gaz où on essaye de modéliser tous les sujets. 

Je recommande de se concentrer sur les hypothèses qui font le plus de sens. Il peut y avoir 2 ou 3 hypothèses qui représentent 80% du modèle. Mieux vaut un entrepreneur qui a creusé ces trois hypothèses pour faire en sorte qu’elles soient calculées au mieux plutôt qu’une vingtaine d’hypothèses, exhaustives, et pour lesquelles l’entrepreneur n’a pas assez réfléchi sur ce qu’il indiquerait dans celles-ci. 

Un dernier mot pour conclure ?

Pour travailler un dossier investisseur, il faut également préparer les questions qui vont surgir. Cet exercice demande un travail complet, sur l’entreprise, son marché, comment elle se perçoit dans son environnement concurrentiel et travailler en profondeur, dans le détail. 

Par ailleurs, il ne faut négliger ni la forme, ni le fond, ni sa prestation orale. 

Certains négligent la forme, d’autres la manière de se mettre en avant, alors qu’il faut avoir travaillé ces différents éléments de manière rigoureuse.

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